Je mettrai désormais sous cette catégorie toutes les petites histoires, tristes ou joyeuses, pathétiques ou non, graves ou non, qui se passent sur le terrain. Celles qui concernent le quotidien, la vie de tous les jours des gens d'ici ou là. Une anecdote particulière récente et assez courante est celle du buffle sans propriétaires.
Dans la période post tsunami et reconstruction, beaucoup d ONG, a tort ou a raison, et suivant des contraintes dont je parlerai une autre fois, implante des programmes de donation de fonds direct aux victimes, dans le jargon on dit
"Tiens ils font du cash grant !"
Plus précisément ici, la pratique consiste à filer un capital assez conséquent à chaque foyer sur un territoire défini, en 4 parts dépendant de la proposition d'activités économiques que le bénéficiaire a défini avec le personnel de terrain de l ONG et des étapes à suivre. Par exemple, étape 1: 2 millions de roupies, construction du magasin - étape 2: 3 millions Rp., achat des stocks...
A chaque étape un bonhomme local mais de la ville souvent vient sur le terrain avec une grosse 4x4 stické avec le logo de l'ONG, descend de sa voiture avec sa checklist et son t-shirt ou casquette marquées elles aussi du logo omniprésent, regarde si le bénéficiaire a bien acheté ce qu'il a dit qu il achèterait et non pas une mobylette ou des clopes, ou pire! un téléphone portable dernier cri, il prend une photo et lance la procédure pour la seconde étape au bureau qui est à la ville. Evidemment, il faut imaginer qu'il est difficile de se projeter dans l'avenir après un tsunami et 30 ans de conflit larvé, même 1 an et demi après le désastre. Les gens n'ont pas encore totalement réintégrées les nouvelles maisons, ou bien les terres ne sont pas encore redistribuées (côte mangée par la vague), ou toujours impropre à la culture (salinisation), la vie économique n'a pas vraiment redémarré à plein, c'est encore une période de tâtonnements... Un village près de chez moi, situé sur l'axe routier principal s est retrouvé avec 10 échoppes de ventes d'essence sur une distance de 200 mètres... tous avaient copié la même proposal, ne sachant pas quoi proposer à l'ONG et voulant toucher le fond tout de même... Plusieurs cas de proposal d'élevage se sont naturellement faites : acheter du bétail, l'élever, le faire se reproduire avec celui du voisin. En l'occurrence le fameux buffle d eau est un cas courant, celui au longues cornes, qui prend son pied dans des bains de boue ou en s'étalant dans les rivières.
Or il se trouve que le même buffle a servi de "preuve" à montrer à l ONG. Quand l'ONG pointe son nez (estampillé du logo aussi), on emprunte le buffle du voisin et on dit "voila c'est le buffle que j'ai acquis avec la première partie du fond que vous m'avez donné, merci, assalaam aleikoum, quand arrive la seconde partie?". Le personnel local de l'ONG international prend une photo et repart, satisfait de son travail, sans réaliser que le même buffle sert à tout le village...
Je ne dis pas que c est bien ou mal. C'est juste comme ça. Il n'y a pas de système parfait.