Monday, September 11, 2006

Matons le Geant Routine!

Etre plongé dans un autre univers, casser les routines, s’obliger à prendre une route autre que celle que l’on connait au quotidien. Faire autre chose que ce que l’on fait d’habitude. On est tous amené à le faire, avec une radicalité plus ou moins forte, une durée plus ou moins longue. Changer de cafetière, en acheter une électrique alors qu’on en utilise une bonne vieille peut être un changement radical. Partir en voyage un peu au-delà des frontières que l’on connaît, où les autres gens parlent une langue que l’on maitrise à peine ou pas du tout en est une autre forme. Y travailler aussi.
Se confronter à l’inconnu est quelque chose de particulièrement effrayant. On ne sait pas où on va. On saute du plongeoir de 10 mètres en s’obligeant à sauter alors que tout notre for interieur nous y retient. On se lance sur une scène d’improvisation théâtrale sans n’avoir aucune idée de ce que l’on va dire, comment, dans quel décor imaginé avec quel personnage devant un public qui attend quelque chose. On prend l’avion seul pour un pays dont on sait pertinnement que l’on ne connaît ni la langue ni vraiment la culture. La seconde où le pied décolle du plongeoir, la seconde où le thème est lancé et les lumières de la scène allumées où l’on se tient bien droit, attentif au thème lancé, les 11 heures d’avion avant d’arriver dans le pays lointain, sont autant de temps d’une intensité immense. Une poussée d’adrénaline, qui fait battre le cœur à tout rompre, puis une sensation de bien-être dans tout le corps, d’absolu. Le temps est arrêté, la notion de temps même n’a plus de sens. On est là, point, à se sentir vivant de partout.

Puis le moment de l’aventure (la durée du saut, la durée de l’improvisation jouée, la durée du voyage ou de l’expatriation) est un moment extraordinaire. On est poussé dans ses retranchements. Rien ou peu de ce que l’on a appris auparavant dans son quotidien va aider le temps de cette aventure. Tout est remis en cause. Tout est ré-ajuster, à repenser. Certes, l’analogie avec le saut du plongeoir de 10 mètres ne fonctionne plus dans ce cas, puisque l’on est passif on n’a qu’à se laisser tomber… mais le moment est intense, chaque sens est en crise, et le sentiment de se sentir vivant est aussi fort.

Le temps de l’improvisation ou de l’expatriation est un moment où l’on se sent vivant. Pourquoi ? Parce que l’on est remis en question en permanence, mille fois plus que dans notre quotidien normal. Même pour le plus exigeant des individus le quotidien et la répétition est le plus fort des anihilants, une routine bien huilée aura raison de la tête brûlée. Je ne fais pas exception à la règle. C’est humain. La première chose que je met en place en arrivant comme sédentaire dans un pays étranger, c’est de me construire une nouvelle routine, ne serait ce que temporaire, pour aménager des temps sans réflexion, sans observations, afin de reposer les sens et le cerveau.
Et pourtant accepter de partir, de quitter le confort de la routine est le meilleur moyen de ne pas laisser les sens et l’analyse s’atrofier, de ne pas laisser un corps vieillir sans toutefois vivre. Le pas est toujours coùteux, affectivement, physiquement parfois, moralement certainement. Car après tout suivre ce que l’on connaît déjà c’est se garantir des risques, du danger puisque cela est maitrisé, encadré dans un emploi du temps et des habitudes. Ce qu’il arrive de pire au train train quotidien est de ne pas arriver à l’heure une fois de temps en temps, et cela nous met déjà dans des états pas possibles, il est cependant très rare qu’il sorte des rails… et c’est sécurisant.
Et pourtant, je ne me suis jamais senti aussi vivant que pendant un spectacle d’improvisation, qu’en partant seul dans un pays où je ne maitrise rien.
Bien entendu la routine reprend le dessus petit à petit avec le temps, comme par exemple après 10 mois en Aceh (l’environnement politique et tectonique se stabilisant). Il reste le quotidien du travail humanitaire/développement qui donne à chaque semaine son lot d’imprévus à gérer. Car, finalement, le travail humanitaire se résume à ça : gérer l’imprévisible d’un projet pourtant bien ficelé sur le papier, mais oubliant la réalité de la région soumise à l’instabilité, qu’elle soit politique, militaire, naturelle, sociale, sanitaire, souvent les 5.
En quelques mots, combattez le Géant Quotidien, sous ces airs rassurant et bonhomme, il vous cajole, vous endort et vous mange tout cru avant que n’ayez le temps de le réaliser. Mettez vous « en danger » et sentez vous vibrez de tous vos pores.

Mais gardez votre bonne vieille théière qui va directement sur le gaz, c’est plus écolo que la théière électrique…

3 comments:

J said...

Moi, moi, j'ai une question!

C'est qui qui ecrit? Abel? Emily? Abely? Emel? Je dirai "pas Emily" pour cet article.

Je gagne un cadeau si je reponds correctement? Je peux le choisir?

Emily Bee said...

Chere Miss Brookes,
OUI tu as raison, c est bien moi, Abel, qui ait ecrit cet article. Il a ete l objet d un grand debat entre Emily et moi avant publication, et j ai du proceder a quelques legeres auto-censures, voyant combien j etais incompris sur le fond. Il va falloir que j approfondisse le sujet, car cela est ressenti comme un reproche ou une accusation contre la mechante routine dans laquelle on se complait facilement, alors que ce n etait pas le cas...
OUI tu as le droit a un cadeau.
NON tu ne le choisiras pas. Il viendra a un moment innattendu sur ce blog, rien que pour toi.
Bien le bonjour a l'homme qui lit ton ecran par dessus ton epaule...
ABeL.

J said...

Ahh j'en etais sure! Bon bon bon, je patiente calmement pour mon cadeau...:-D

Au sujet de l'article, je pense juste que ce sont des sujets dont on peut difficilement rendre une image juste, puisque la definition meme de la routine est un peu floue et que les choix de vie des gens sont etablis en fonction d'un passe propre a chacun qu'on ne peut pas pretendre connaitre. Aucune vie ne me parait plus courageuse qu'une autre (ce n'est pas une critique). Chacun fait ce qu'il peut avec l'heritage physique, familial, mental, blabla, avec lequel il doit vivre.

Voila pourquoi, je pense que la premiere reaction toute naturelle est de penser qu'il s'agit bien d'une reproche puisque ton article semble etre plus un discours sur ce que tu percois comme une verite universelle a l'inverse d'une verite personnelle.

Voila mes trois yen. A bientot!