Sunday, October 08, 2006

Aceh: Tsunami & Conflit

Voici des extraits d un article que j'ai ecrit pour la newsletter de l ONG pour laquelle je travaille, afin de vous donner une idee du contexte.

" Du fait de l’exceptionnalité et l’ampleur de la catastrophe, de son côté terrifiant et aveugle, les caméras se sont braquées sur la destruction de la vague géante en oubliant les spécificités locales. Pourtant, la vie existait avant que le tsunami dévaste les côtes, et nous ne sommes pas face à une même réalité entre la Thaïlande et Aceh… la région d’Aceh est déchirée par une guerre civile depuis 30 ans entre le GAM, groupe armé indépendantiste, et l’armée indonésienne et ses tristement célèbres milices. Au milieu du conflit, une vie quotidienne s’organise depuis 30 ans. Une vie de tous les jours, anonymes, ponctuée par les barrages de l’une ou l’autre des parties, par les balles qui sifflent, aveugles, les humiliations quotidiennes, les tortures, la peur, la délation, le deuil, l’incertitude du lendemain. On va au marché du village voisin, situé à 1,5 Km par la route principale à 15 dans une voiture, afin de ne pas passer seul et à pied devant le poste de l’armée. Il s’agissait avant le tsunami de ce quotidien là, où la moindre activité banale devient compliquée, où sa survie et celle de sa famille est mise en jeu… pendant 30 ans.

Le tsunami qui a dévasté Aceh, (...), a été terrible. La vie a été bouleversée, les liens sociaux anéantis. Il n’y a personne qui n’ait perdu des amis proches et de la famille directe. Les repères sociaux, géographiques et physiques ont été démolis ( +/- 50% de la population décédée à Lhoong, 24 villages littéralement rasés, la côte mangée par la mer, les champs détruits).

Triangle GH a implanté en février 2005 à Lhoong le programme psychosocial orienté sur la reconstruction du lien social, focalisé comme les autres organisations d’aide internationale sur le tsunami et ses conséquences. La reconstruction des personnes en encourageant le lien social est un travail de longue haleine que le bailleur a été prêt à accompagner, en donateur compréhensif des réalités du terrain. Le 1er volet du programme social s’est déroulé dans un contexte d’urgence et de chaos. En un an et demi, ont pu se mettre en place des activités diverses :

· Activités avec les enfants : dépasser le trauma, développer l’enfant

· Formation professionnelle (couture, cuisine, électricité, mécanique, informatique, menuiserie) : re-diffuser les savoir-faire perdus avec les disparus du tsunami

· Relance de 2 groupes de chants et danse traditionnels : re-former les groupes avec les survivants, retransmettre la culture locale, retrouver ses repères culturels et identitaires

· Cinéma dans les baraques : créer des moments récréatifs partagés par la communauté

· Relance des groupes Arisan (sorte de « tontine » indonésienne, groupe d’épargne-crédit traditionnel)

· Soutien à des projets communautaires (matériel de déblaiement de terrain, pâtisserie/boulangerie communautaire, …)

Des activités toutes caractérisées par un même dénominateur commun : agir ensemble, se projeter dans une activité communautaire, se resituer dans le groupe => reconstruire le lien social.

Ce premier projet psychosocial s’est focalisé sur le contexte d’urgence, par nécessité.

En juin 2005, le conflit s’achève à Aceh, Aceh obtient à terme une autonomie, une atmosphère de paix s’installe. Le trauma immédiat au tsunami est moins prégnant, ceux du conflit, plus profonds, moins évidents, non exprimés jusqu’à maintenant refont surface.

Ainsi le second programme psychosocial sur Lhoong est il la continuité du premier tout en s’adaptant aux problématiques nouvelles qui surgissent. L’enjeu de ce programme est double.

(1) Il s’agit d’abord de poursuivre les activités du premier programme psychosocial en orientant sur le post conflit : encourager les dynamiques sociales et de solidarité entre les villages. La base de la vie détruite par le tsunami s’est reconstruite, mais elle se reconstruit en fonction de ce qu’il y avait avant : un quotidien de peur, de délation, de rumeurs, cloisonné par village si ce n’est par maison. Pourtant, l’environnement a changé : climat de paix, ouverture aux autres régions, au reste du pays, aux pays voisins, à l’international. Il s’agit donc d’accompagner la reconstruction d’un lien social effrité, rabougri par 30 ans de conflit inexistant pour les médias internationaux.

Les activités du 1er programme se poursuivent, s’adaptent à la nouvelle problématique et se diversifient. Exemples : intégration à la formation cuisine d’une formation informatique et aux bases de comptabilité ; la production de la formation couture est pour la communauté : pour tel ou tel groupe traditionnel, uniformes pour les orphelins de tel ou tel village, Cinéma éducatif dans les écoles…

(2) Le 2nd enjeu est de préparer sa sortie. Il serait dommage de quitter Aceh après 2 ans et demi de programmes psychosocial quand on sait que le temps de la reconstruction sociale est long. Il serait très regrettable de partir et laisser un vide que l’on a comblé au lendemain du tsunami. Un programme psychosocial ne s’implante pas en 6 mois, et ne peut se terminer brusquement sans une sortie préparée. Le bailleur a accepté de financer le second programme psychosocial qui prépare la sortie de TGH de Lhoong.

Les activités Enfants, de Formation Adultes et de Micro Finance, rassemblé en un Centre de Ressources Communautaires seront reprises petit à petit par les locaux : par une association locale gérée par le staff locale de TGH pour la formations et les activités Enfants d’une part, et par une Coopérative de Finance gérée par des membres issus des groupes Arisan du 1er programme d’autre part.

Non seulement, ce programme psychosocial aura pu décliner sous différents angles la reconstruction des personnes et du lien social : des animations Enfants à la Micro Finance en passant par la formation professionnelle pour les adultes et le soutien de groupes culturels ; mais il aura eu aussi la chance et le temps de préparer sa sortie pour une durabilité du soutien psychosocial apporté dans le contexte d’urgence."

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