George Bush impose sa loi sur le traitement des "ennemis combattants illégaux"
LE MONDE 29.09.06
Après un semblant de bataille autour du principe d'habeas corpus, qui stipule que nul ne peut être détenu indéfiniment sans procès, le Sénat américain a adopté, jeudi 28 septembre, la loi sur la détention et le jugement des prisonniers de la "guerre antiterroriste".
Déjà approuvé la veille par la Chambre des représentants, ce texte apporte plusieurs changements fondamentaux au droit américain. Pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, des tribunaux militaires vont être créés pour juger des civils. Appelés "commissions militaires", ils sont composés de militaires qui peuvent, s'ils le jugent utile, prendre en considération des confessions obtenues par la force.
La loi donne, pour la première fois, une définition du terme d'"ennemi combattant" forgé par l'administration Bush, en 2001, pour qualifier les suspects arrêtés. Elle en fait maintenant des "ennemis combattants illégaux" (unlawful enemy combatant) comme pour se rapprocher de l'unique division reconnue par le droit international entre combattants légaux (les armées) et illégaux. La définition est élargie. Des étrangers soupçonnés d'apporter un "soutien matériel" aux terroristes sont passibles des commissions militaires, même s'ils résident aux Etats-Unis.
L'habeas corpus, ou droit de contester toute détention préventive devant un juge, est suspendu pour les étrangers accusés de terrorisme. Selon l'avocat constitutionnaliste Neal Katyal, c'est la première fois, en un siècle et demi, que
"le Congrès introduit une discrimination entre les citoyens et les étrangers dans le recours à la justice". Le vote du Sénat, obtenu par 65 voix contre 34, met fin à une bataille de plusieurs semaines au Congrès. La majorité républicaine était pressée d'obtenir un vote avant la fin, vendredi, de la session parlementaire. Le président Bush est encore venu, jeudi matin au Capitole, presser les sénateurs républicains. A quarante-cinq jours des élections législatives, les démocrates n'ont pas eu le coeur de lancer une manoeuvre d'obstruction. Douze d'entre eux ont même approuvé la loi, comme l'avaient fait trente-quatre de leurs collègues, la veille, à la Chambre des représentants. Le débat s'est concentré sur l'habeas corpus. "Nous allons être traités de tous les noms, de "défaitocrates", de gens qui se préoccupent plus des droits des terroristes que de la protection des Américains", a plaidé Barak Obama, l'une des figures du Parti démocrate. Mais "au lieu d'éliminer l'habeas corpus, un droit vieux de sept siècles, nous aurions pu donner à l'accusé une chance, une seule, de demander au gouvernement pourquoi il est détenu et ce dont on l'accuse", a-t-il ajouté. Les démocrates avaient négocié douze heures de débats et la possibilité de présenter quelques amendements. Hillary Clinton est intervenue pour tenter de faire passer une clause obligeant à revoir la loi dans cinq ans. "Maltraiter les prisonniers encourage la radicalisation", a-t-elle averti. John Rockefeller a réclamé un contrôle plus strict du programme de détentions secrètes de la CIA, qui peut désormais se poursuivre en toute légalité. Tous les amendements ont été rejetés. La base militante a été déçue de voir le Parti démocrate "capituler". Mais l'état-major a manifestement fait le calcul que la Cour suprême aurait probablement de nouveau à arbitrer, comme elle l'a fait en juin. Selon la Constitution, le recours en habeas corpus",
"le Congrès introduit une discrimination entre les citoyens et les étrangers dans le recours à la justice". Le vote du Sénat, obtenu par 65 voix contre 34, met fin à une bataille de plusieurs semaines au Congrès.
La majorité républicaine était pressée d'obtenir un vote avant la fin, vendredi, de la session parlementaire. Le président Bush est encore venu, jeudi matin au Capitole, presser les sénateurs républicains. A quarante-cinq jours des élections législatives, les démocrates n'ont pas eu le coeur de lancer une manoeuvre d'obstruction. Douze d'entre eux ont même approuvé la loi, comme l'avaient fait trente-quatre de leurs collègues, la veille, à la Chambre des représentants.
Le débat s'est concentré sur l'habeas corpus. "Nous allons être traités de tous les noms, de "défaitocrates", de gens qui se préoccupent plus des droits des terroristes que de la protection des Américains" , a plaidé Barak Obama, l'une des figures du Parti démocrate. Mais "au lieu d'éliminer l'habeas corpus, un droit vieux de sept siècles, nous aurions pu donner à l'accusé une chance, une seule, de demander au gouvernement pourquoi il est détenu et ce dont on l'accuse" , a-t-il ajouté.
Les démocrates avaient négocié douze heures de débats et la possibilité de présenter quelques amendements. Hillary Clinton est intervenue pour tenter de faire passer une clause obligeant à revoir la loi dans cinq ans. "Maltraiter les prisonniers encourage la radicalisation", a-t-elle averti. John Rockefeller a réclamé un contrôle plus strict du programme de détentions secrètes de la CIA, qui peut désormais se poursuivre en toute légalité. Tous les amendements ont été rejetés.
La base militante a été déçue de voir le Parti démocrate "capituler". Mais l'état-major a manifestement fait le calcul que la Cour suprême aurait probablement de nouveau à arbitrer, comme elle l'a fait en juin. Selon la Constitution, le recours en habeas corpus
ne peut être suspendu qu'en cas de rébellion ou d'invasion. Le républicain Arlen Specter a déposé un amendement pour le rétablir. Un autre républicain, le sénateur Gordon Smith, de l'Oregon, a eu les mots les plus durs. "La détention permanente d'étrangers nuit à notre intégrité morale. Le pouvoir de détenir des gens sans avoir à produire de cause est un outil de despotisme", a-t-il affirmé.La majorité n'a rien concédé. Elle a plaidé que les juges n'avaient pas "à prendre des décisions touchant à l'armée en temps de guerre". Lindsey Graham a affirmé que les détenus de Guantanamo encombraient les tribunaux de demandes futiles : "Un dictionnaire, du courrier plus rapide". La sénatrice Dianne Feinstein leur a rappelé qu'un certain nombre d'innocents étaient passés par Guantanamo.Le président entend promulguer la loi très rapidement. La gauche le soupçonne de vouloir organiser la mise en place du procès du cerveau des attentats du 11-Septembre avant les élections du 7 novembre.
Corine Lesnes - Article paru dans l'édition du 30.09.06"
LE MONDE 29.09.06
Après un semblant de bataille autour du principe d'habeas corpus, qui stipule que nul ne peut être détenu indéfiniment sans procès, le Sénat américain a adopté, jeudi 28 septembre, la loi sur la détention et le jugement des prisonniers de la "guerre antiterroriste".
Déjà approuvé la veille par la Chambre des représentants, ce texte apporte plusieurs changements fondamentaux au droit américain. Pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, des tribunaux militaires vont être créés pour juger des civils. Appelés "commissions militaires", ils sont composés de militaires qui peuvent, s'ils le jugent utile, prendre en considération des confessions obtenues par la force.
La loi donne, pour la première fois, une définition du terme d'"ennemi combattant" forgé par l'administration Bush, en 2001, pour qualifier les suspects arrêtés. Elle en fait maintenant des "ennemis combattants illégaux" (unlawful enemy combatant) comme pour se rapprocher de l'unique division reconnue par le droit international entre combattants légaux (les armées) et illégaux. La définition est élargie. Des étrangers soupçonnés d'apporter un "soutien matériel" aux terroristes sont passibles des commissions militaires, même s'ils résident aux Etats-Unis.
L'habeas corpus, ou droit de contester toute détention préventive devant un juge, est suspendu pour les étrangers accusés de terrorisme. Selon l'avocat constitutionnaliste Neal Katyal, c'est la première fois, en un siècle et demi, que
"le Congrès introduit une discrimination entre les citoyens et les étrangers dans le recours à la justice". Le vote du Sénat, obtenu par 65 voix contre 34, met fin à une bataille de plusieurs semaines au Congrès. La majorité républicaine était pressée d'obtenir un vote avant la fin, vendredi, de la session parlementaire. Le président Bush est encore venu, jeudi matin au Capitole, presser les sénateurs républicains. A quarante-cinq jours des élections législatives, les démocrates n'ont pas eu le coeur de lancer une manoeuvre d'obstruction. Douze d'entre eux ont même approuvé la loi, comme l'avaient fait trente-quatre de leurs collègues, la veille, à la Chambre des représentants. Le débat s'est concentré sur l'habeas corpus. "Nous allons être traités de tous les noms, de "défaitocrates", de gens qui se préoccupent plus des droits des terroristes que de la protection des Américains", a plaidé Barak Obama, l'une des figures du Parti démocrate. Mais "au lieu d'éliminer l'habeas corpus, un droit vieux de sept siècles, nous aurions pu donner à l'accusé une chance, une seule, de demander au gouvernement pourquoi il est détenu et ce dont on l'accuse", a-t-il ajouté. Les démocrates avaient négocié douze heures de débats et la possibilité de présenter quelques amendements. Hillary Clinton est intervenue pour tenter de faire passer une clause obligeant à revoir la loi dans cinq ans. "Maltraiter les prisonniers encourage la radicalisation", a-t-elle averti. John Rockefeller a réclamé un contrôle plus strict du programme de détentions secrètes de la CIA, qui peut désormais se poursuivre en toute légalité. Tous les amendements ont été rejetés. La base militante a été déçue de voir le Parti démocrate "capituler". Mais l'état-major a manifestement fait le calcul que la Cour suprême aurait probablement de nouveau à arbitrer, comme elle l'a fait en juin. Selon la Constitution, le recours en habeas corpus",
"le Congrès introduit une discrimination entre les citoyens et les étrangers dans le recours à la justice". Le vote du Sénat, obtenu par 65 voix contre 34, met fin à une bataille de plusieurs semaines au Congrès.
La majorité républicaine était pressée d'obtenir un vote avant la fin, vendredi, de la session parlementaire. Le président Bush est encore venu, jeudi matin au Capitole, presser les sénateurs républicains. A quarante-cinq jours des élections législatives, les démocrates n'ont pas eu le coeur de lancer une manoeuvre d'obstruction. Douze d'entre eux ont même approuvé la loi, comme l'avaient fait trente-quatre de leurs collègues, la veille, à la Chambre des représentants.
Le débat s'est concentré sur l'habeas corpus. "Nous allons être traités de tous les noms, de "défaitocrates", de gens qui se préoccupent plus des droits des terroristes que de la protection des Américains" , a plaidé Barak Obama, l'une des figures du Parti démocrate. Mais "au lieu d'éliminer l'habeas corpus, un droit vieux de sept siècles, nous aurions pu donner à l'accusé une chance, une seule, de demander au gouvernement pourquoi il est détenu et ce dont on l'accuse" , a-t-il ajouté.
Les démocrates avaient négocié douze heures de débats et la possibilité de présenter quelques amendements. Hillary Clinton est intervenue pour tenter de faire passer une clause obligeant à revoir la loi dans cinq ans. "Maltraiter les prisonniers encourage la radicalisation", a-t-elle averti. John Rockefeller a réclamé un contrôle plus strict du programme de détentions secrètes de la CIA, qui peut désormais se poursuivre en toute légalité. Tous les amendements ont été rejetés.
La base militante a été déçue de voir le Parti démocrate "capituler". Mais l'état-major a manifestement fait le calcul que la Cour suprême aurait probablement de nouveau à arbitrer, comme elle l'a fait en juin. Selon la Constitution, le recours en habeas corpus
ne peut être suspendu qu'en cas de rébellion ou d'invasion. Le républicain Arlen Specter a déposé un amendement pour le rétablir. Un autre républicain, le sénateur Gordon Smith, de l'Oregon, a eu les mots les plus durs. "La détention permanente d'étrangers nuit à notre intégrité morale. Le pouvoir de détenir des gens sans avoir à produire de cause est un outil de despotisme", a-t-il affirmé.La majorité n'a rien concédé. Elle a plaidé que les juges n'avaient pas "à prendre des décisions touchant à l'armée en temps de guerre". Lindsey Graham a affirmé que les détenus de Guantanamo encombraient les tribunaux de demandes futiles : "Un dictionnaire, du courrier plus rapide". La sénatrice Dianne Feinstein leur a rappelé qu'un certain nombre d'innocents étaient passés par Guantanamo.Le président entend promulguer la loi très rapidement. La gauche le soupçonne de vouloir organiser la mise en place du procès du cerveau des attentats du 11-Septembre avant les élections du 7 novembre.
Corine Lesnes - Article paru dans l'édition du 30.09.06"
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