Qu’est ce que cela nous dit sur l’Indonésie, ou du moins sur Aceh : que l’enregistrement à l’état civil est un beau bordel, une grande usine a gaz et/ou une grande fumisterie.
À quoi cela donne droit ? À moi rien. Mais imaginons que je sois métisse arabe, chinois, indien ou indonésien comme l’était ma collègue de terrain auparavant, et que je parle couramment indonésien, qui n’est pas la langue la plus difficile du monde. Alors dans ce cas-là je pourrai faire illusion avec ma KTP en poche, je serais en mesure de me marier, d’avoir des enfants indonésiens, de posséder légalement un terrain… Peut-être même pourrais-je obtenir un passeport indonésien, un permis de conduire, adopter un enfant indonésien… Pour un peu que je paye quelques euros à un chef de village, je pourrai même être enregistré comme électeur.
En creusant, je me suis rendu compte que tout ce qui est lié à l’enregistrement civil est concentré essentiellement dans les mains du chef de village. C’est lui qui atteste qu’untel ou untel est bien de son village, d’origine, de résidence ou de mariage. Tant et si bien qu’un ami indonésien m’a affirmé pouvoir avoir 3 KTP : une de son village d’origine, une du village de sa femme, une de son lieu de résidence à la ville. Un autre ami indonésien m’a montré ses 2 cartes d’identité, où il n’y avait même pas les mêmes données : la date de naissance était différente.
Ayant un peu travaillé sur ce thème avec Amnesty International, imaginons un peu les conséquences d’un tel système, qui est resté largement fondé sur le "communautaire", soit le chef du village.
Une famille qui s’est disputée avec son chef de village et/ou avec le pak Camat local, ne peut plus faire ses papiers officiels : acte de naissance, livret de famille, carte d’identité… Et ne peut donc prétendre à rentrer dans une économie formelle avec contrat (et être protégé légalement), et ne pouvant bénéficier d’un contrat de travail formel, ne peut donc souscrire à une assurance-santé pourtant obligatoire légalement. Il ne peut donc obtenir la lettre qui lui donnerait droit aux allocations sociales s’il en avait le droit. Ses enfants peuvent aller à l’école, tant qu’il s’agit de l’école locale, mais quid des études secondaires ou supérieures ? Et je ne parle pas des problèmes fonciers qui pourraient surgir.
Je connais un tel cas sur le terrain. La solution qu’il a trouvée est d’aller directement au bureau du gouverneur qui signe directement ses demandes à la place du pak camat. Cela implique toutefois de posséder les réseaux qui permettent d’atteindre le gouverneur, et de pouvoir se rendre à la ville.
Je ne préfère même pas imaginer les conséquences sur le trafic d’enfants et la prostitution.
En tout cas, j’ai ma KTP indonésienne. Et cela ne sert à rien. Sinon a l'exhiber avec fierté a mes amis indonésiens. C'est aussi un beau cadeau, hélas révélateur d'un système critiquable.
1 comment:
Hey
Ca y est, je me mets en fin à lire les blogs. Il faut se mettre à la page comme on dit.
Bref, le votre est tres bien.
Je vous embrasse bien fort tous les deux.
A plus tard
Guillaume
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